USA : un secteur “beauté” de 153 milliards de dollars en demi-teinte !

Pour Karen Young *, Pdg de The Young Group, “le marché américain de la beauté continue d’attirer des startups dont les commandes sont importantes, mais modestes. En revanche, impossible de prédire qui deviendront certaines grandes marques qui souffrent incontestablement”. Son constat, “Aujourd’hui les entreprises doivent repenser leurs stratégies, améliorer leur gestion et motiver leurs équipes. Les plus intelligentes survivront”.

Avant de fonder « The Young Group » en 1999, vous avez été vice-présidente marketing et développement des produits chez Lancôme, la division prestige de L’Oréal. Avant de rejoindre Lancôme, vous avez passé dix-sept ans chez Estée Lauder où vous avez occupé divers postes de direction, notamment celui de directrice exécutive des cosmétiques de couleur. Depuis la création de « The Young Group », vous avez travaillé dans tous les domaines de l’industrie cosmétique. Comment voyez-vous l’évolution du marché des "fournisseurs" dans ce secteur. A quelles contraintes doivent-ils faire face de plus en plus et quelles sont, selon vous, les solutions qui doivent leur permettre de progresser ?

Karen Young : Même si le marché américain (136 milliards de dollars en 2024 et 153 milliards de dollars cette année selon Euromonitor) se porte plutôt bien actuellement (la croissance est globalement de 4 à 10 % en fonction des différents secteurs), il est évident qu’aujourd’hui les fournisseurs doivent être plus que jamais rapides, flexibles, disposer d’importantes quantités d’emballages en stock qui puissent s’adapter à la demande. Les défis auxquels sont confrontés ces fournisseurs sont considérables. En particulier parce qu’ils ne savent pas d’un jour à l’autre ce qui va se passer en matière de droits de douane.
A noter que les consommateurs des deux côtés de l’Atlantique sont confrontés à des pressions économiques croissantes et équivalentes. La pression s’est accrue du côté des petites marques soumises à une exigence constante de nouveauté et d’innovation, sans oublier les exigences en matière de durabilité et de transformation numérique. Les défis sont nombreux.

Que conseillez-vous à ces fournisseurs pour s’adapter au mieux ?

Karen Young : Je leur conseille de réduire leur gamme et de se concentrer sur les produits « clés ». Créez des collections qui fonctionnent ensemble, qui racontent une histoire et qui peuvent être adaptées à différents clients. Compte tenu des circonstances, il est impossible de tout faire. En même temps, il faut être créatif et innovant. Une combinaison difficile.
La deuxième recommandation est de collaborer avec les formulateurs afin de présenter des solutions complètes et innovantes. Il faut développer une histoire qui s’inscrit dans une tendance beauté actuelle. Donnez une vision au client, et pas seulement leur vendre un tube ou un pot.

Karen Young - The Young Group

Karen Young - The Young Group

La préservation de l’environnement est-elle toujours un marqueur aux Etats-Unis ?

Karen Young : Il faut le reconnaître, un peu moins en ce moment du fait de la conjoncture économique et de ces fameux droits de douane. Mais les marques comme les fournisseurs n’ont pas vraiment le choix .
Ils sont tous obligés de s’aligner sur ce qui est en train de se passer dans le monde dans ce domaine. Et ceci même si les droits de douane pèsent sur toutes les catégories de biens de consommation. En ce moment le marché de la beauté continue d’attirer de nombreuses startups dont le niveau de commandes ne cessent de grimper même si les volumes restent modestes. Impossible de prédire, en revanche, ce que deviendront certaines grosses marques comme, par exemple, Estée Lauder.

Lorsqu’on vient vous consulter pour le lancement d’un produit de beauté, on imagine des formules luxueuses, un packaging accrocheur et une sortie « en fanfare » dans les rayons des principales enseignes du marché le tout soutenue par des influenceurs et des médias de premier plan. Ce n’est certainement pas aussi simple !

Karen Young : On ne va pas se le cacher, le voyage est difficile (bien qu’exaltant !), mais nous sommes là pour guider au mieux cette entreprise. Nous sommes basés à New York mais également Paris ce qui nous permet d’analyser les tendances et d’établir des contacts dans le secteur à travers le monde. Nous avons une clientèle très diversifiée dans les secteurs de la beauté, de la santé et du bien-être. Nous gérons la création de marques depuis la recherche jusqu’au développement produit, en passant par la distribution et la vente.


*Karen Young est également membre active du conseil d’administration du Fashion Group International.
Elle a développé des concepts et des produits pour Dove, Bath and Body Works, Neutrogena, Vichy et Canyon Ranch. Elle a travaillé sur de nombreuses marques établies dans le domaine de la beauté, notamment Christian Dior Beauté, Shiseido, Chanel, Parfums Givenchy, Avon et 3M Products.
Karen est professeure adjointe au Fashion Institute of Technology, où elle enseigne le développement de produits dans le cadre d’un cours de deuxième cycle.
karen@ygroup.com